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portrait né d’une rencontre

Élégantes robes et homards homériques, gracieux bouquets et autruches chimériques – avec Laurie Boilleaut, la matière n’en finit pas de se montrer sous de nouvelles manières : ”Outre ce côté sculpteur au scalpel, quand on façonne le papier, on doit sans cesse trouver des façons d’imiter les matériaux pour susciter l’illusion. User d’une structure métallique pour reproduire un effet de tissu bouffant, recréer le rendu d’une façade d’immeuble… “ 

Reconvertie paper artist, la dirigeante de Maison de Mains insuffle donc ses inspirations en garnissant les présentoirs par des créations variant les tailles, et en alliant la délicatesse de l’éphémère à sa force de travail : “Cela faisait plusieurs années que je voulais entreprendre dans le papier, mais je ne voyais pas ma plus-value sur des carnets. Avant de m’endormir, je fermais les yeux et je visualisais d’immenses vitrines éclairées, avec leurs automates, leurs décors, et des structures en papier !” 

Pour la native des Lilas, les îlots de fleurs en coupé-collé et le raffinement des idées étaient finalement le prolongement logique de ses penchants esthétiques : ”Je ne crée pas pour créer, mais pour porter une histoire. Je veux comprendre ce qui touche les passants qui verront ces vitrines, saisir leurs codes, leurs attentes, pour mieux les bousculer et provoquer l’émerveillement.” Dans cette pratique émergeante où tout est à inventer, Laurie a déposé ses valises pour démarrer une aventure, et comme à chaque fois qu’elle en démarre une, une poignée de feuilles dépasse de la fermeture : ”Qu’ils aient des couleurs douces ou du pep’s, je pourrais serrer contre moi tous mes papiers. Quand je sature, je peux m’absorber des heures dans un dégradé de paillettes pour m’aérer !”

Si cette liasse vaut bien une liesse, une partie de ce fascicule véhicule également les expériences d’un CV tout-terrain : des arts appliqués à la communication visuelle, du graphisme aux règles policées de l’édition, il restait à Laurie assez de polyvalence pour s’essayer au théâtre, au chant, et à la danse : ”On peut aussi m’emmener pêcher, ou faire de la mécanique. Mon père m’a dit un jour “tu as de l’or entre les mains, je ne suis pas inquiet, je sais que tu pourras toujours en faire quelque chose” !”   

Mais avant de monter sa société et de polir son geste pour que sa scénographie s’étende jusqu’aux grands magasins du Printemps, la graphiste dut faire attendre les pages peuplant aujourd’hui ses saynètes en faveur de moins belles maquettes et pages Internet :  ”J’ai commencé en tant que graphiste indépendante, mais je conservais des doutes et des appréhensions sur ma carrière, jusqu’à ce jour où mes yeux se sont posés sur une lampe en papier exposée dans la devanture d’une boutique. Elle m’a rappelé le monde de la scène et des décors que j’avais côtoyé. J’ai eu une illumination, cette sensation d’avoir été guidée.” 

Par ses origines italiennes notamment, où perche le petit village de Gambaro qu’arpente sa Fiat Bravo remplie de matériaux – où la confection du pisarei e fasò mettait déjà la dextérité à l’épreuve pour couper la pâte et la manipuler : “Mon métier réclame de garder une concentration intense sur un temps long, d’alterner entre légèreté pour ne pas froisser le papier, et puissance pour trancher les plus épais.”

Son sens du détail, lui, fourbissait déjà son attirail à l’époque où les rouages de la typographie la passionnaient jusqu’au soir – “je pouvais passer des heures à redéfinir le bon espace insécable !” – ; comme à l’époque où les autres enfants dessinaient le lapin, quand elle s’attachait aussi aux carottes, aux plantes, et à l’arrosoir. Avec le mot “construire” en fil rouge et cette persévérance qui ne manque pas de la définir, la dirigeante sut “creuser profond dans la terre” puis “élever les murs” de sa propre entreprise.

La finesse de ses oeuvres en papier ne tarda guère à en faire signer, à gagner le respect de Dior, auquel s’est aussitôt ajouté celui de L’Oréal et Publicis, en passant par la joaillerie Courbet jusqu’à la place Vendôme. Ainsi Laurie convainquit-elle merchandisers, directeurs artistiques et de musée, grâce à ce cachet qui ne saurait rester caché bien longtemps.

Née de la demande, et jadis promptement secondée par une bande d’intraitables retraités – “par moments, je devais presque les renvoyer chez eux, tant les amis de mes parents étaient d’attaque pour aider !” –, l’entreprise s’est agrandie sans se départir de son exigence et de sa minutie : ”Nous nous occupons de tout. Avec l’équipe, nous préparons chaque papier, chaque modèle, chaque visuel ; le client n’a plus qu’à choisir la couleur qui lui convient.”

Au-delà du développement, la spécialiste des papiers aimerait en faciliter l’obtention pour ceux contraints de vivre sans : “J’ai toujours souhaité créer une fondation. Une partie dédiée à l’atelier, à l’insertion par le travail et par la formation à nos savoir-faire, une autre avec une école, et des chambres d’appoint pour les femmes dans le besoin.” Agir avec droiture, prêter main-forte aux prochaines qu’elle pourra recruter : une mission doublée d’éducation, afin qu’habitation et alphabétisation soient enfin réunies sous le même toit.

Si Laurie s’amuse à ”trouilloter”  et “toutouiller” ses petits protégés rectangulaires – “je suis du genre à prendre une chute et à la tripoter machinalement pour sentir son grain” –, nul doute que leur qualité de feuilles volantes leur permettra bientôt de s’affranchir de l’Hexagone. Dans ce studio créatif parisien, où naîtront bientôt des colosses aux pieds fragiles, le regard se porte sur les provinces chinoises, de Shenzhen à Beijing, de Hong Kong à Shanghai : “Faire d’immenses pièces uniques pour le marché asiatique et leurs centres commerciaux. Leur offrir un bout de ciel pour qu’ils en soient moins privés !” 

Dans l’attente, le sien se dégage sous les notes résonnant dès l’aurore, dans le mystère bien gardé de l’artisanat de luxe et de ses recettes, là où  Laurie chante la bella vita, et soigne sa botte secrète.

 

 

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